dimanche 29 avril 2007

Le colosse noir


La Factory
acrylique sur toile - 2005 - 36" x 24" (91,4 cm x 61,0 cm)

série "Formes noires"
vendu
www.alec5.com

Le colosse noir

Au détour d'une ruelle, en contre-jour d'une brume jaunâtre où peine à percer un soleil matinal, la silhouette imposante d'une immense structure industrielle semble faire obstacle à l'horizon urbain, tel un colosse antique et noir, gardien passif et serein d'une époque révolue. Seul le canal, aux eaux stagnantes et irisées d'huiles minérales et d'essence, propose une voie de passage vers un ailleurs, pourtant depuis longtemps, inaccessible.
De hauts ponts d'acier riveté enjambent ce couloir d'eau segmentée par quelques vieilles écluses désaffectées, dont les grandes portes de bois pourrissants, péniblement soutenues par de vétustes armatures métalliques rouillées, retiennent symboliquement les eaux qui furent, dans leur temps, très passantes et renouvelées. L'ocre de la rouille tapisse en larges coulées ces immenses portes semi-immergées telles de longues langes orangées léchant l'eau noire.

C'est alors que le colosse se met à vrombir dans un râlement tortueux et lancinant. Pivotant lentement sur lui-même, il présente aux berges miroitantes de flaques d'après pluie, un gigantesque bras d'acier câblé de toute part, selon un ingénieux système de poulies et de palans. L'ombre portée au sol court rapidement, effarouchant au passage quelques mouettes criardes s'envolant lourdement dans le smog latent. Tournoyant ainsi dans le ciel, le bras mécanique semble vouloir rattraper le temps perdu. Surplombant les bâtisses environnantes, la rotation perdant de son élan, le bras s'arrête enfin au-dessus d'une cour dégagée ou l'attend un long conteneur, plus cabossé qu'une épave automobile juché sur un tas de voitures écrasées.

Qui aurait intérêt à encore utiliser cette vieille machinerie, pour transporter ce conteneur branle-ballant? Personne.

Rien en fait ne s'est passé. Mais tout résonne d'une vie antérieure et cet écho est si intense que dans l'âme même de la matière, dans les entrailles du métal, il émane encore les mouvements tant et tant de fois répétés, et pourtant à jamais figés dans l'espace et le temps.
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