mardi 12 juin 2012

"Red Square" Malevich (1913)

"Red Square" (1913) Malevich

Mis à part un passage, pour le moins mouvementé, chez les pères dans ma prime jeunesse, j’ai eu la chance de faire mes études dans un système de scolarité gratuite, même pour mon école professionnelle. Bon, on achetait notre matériel, ce qui est la moindre des choses je crois, mais les profs étaient payés par l’état qui lui-même allait faire des ponctions dans le secteur des entreprises et dans les pouvoirs publics pour financer ce système. Système et choix clairement logiques de société.

Cela a probablement contribué à faciliter mon choix de carrière. Enfin… presque, car justement, mon premier choix était de devenir designer automobile. La seule école qui dispensait cette formation se trouvait loin et était hors de prix. Donc la porte m’en était totalement fermée. Tans pis, car les Arts Décoratifs, eux, m’ouvraient les leurs avec beaucoup de générosité. Ceci n’excluait pas qu’il y eût de la compétition. De la grande compétition même. Entrer dans cette école était une chose déjà ardue, mais y rester…

Nous étions, paraît-il, 300 inscrits, dont 80 ont eu la permission de se présenter à l’examen d’entrée. 40 y ont été acceptés, scindés en deux classes. Mais c’est là que la compétition a vraiment commencé. Nous avions un prof des plus exigeants, monsieur Chu Liu. Rigueur, rigueur, rigueur, bien avant que le terme soit popularisé ici. On en pleurait quelques fois, on en rageait souvent. Mais Dieu sait combien il nous a taillés, façonnés et polis au métier de graphiste. Il est vrai qu’il y avait une longue tradition de graphisme helvétique à respecter et à faire perdurer.
Je lui en suis tellement reconnaissant aujourd'hui.

Il y avait aussi cet autre professeur que nous avons eu une autre année, Monsieur Calame, un grand gaillard chaleureux et généreux qui imposait le respect et qui soufrait de mal de dos car il ne pouvait se résoudre à ne pas venir avec sa vieille Porsche 911 où il avait de la difficulté à entrer!

Nous avons reçu une formation des plus complètes : Nous avons appris le graphisme évidemment, le dessin technique, le dessin d’observation, le modèle vivant, mais aussi appris et pratiqué tous les procédés d’impression, de la sérigraphie à la flexographie, en passant par la linotype, les cadratins les casses… La photographie! Une certaine année, nous recevions ce cours le lundi matin. Imaginez une dizaine d’ados, au levé, durant près de deux heures dans une chambre noire à développer des photos…. Ronronnnnn!
Il y avait aussi les cours de publicité, d’administration, et tous les autres cours du programme scolaire régulier…

Bref, au terme de nos études nous n’étions plus que 20, dont 15 à l’examen final et 5 en sont sortis avec leur diplôme.
Donc je pense que gratuité n’a rien a voir avec qualité d’enseignement. Cette dernière peut être aussi de haut niveau que dans n’importe quelle institution chèrement payée.

Donc si le système scolaire Suisse avait été payant, les Arts Décoratifs, école de formation professionnelle, auraient été plus cher que la moyenne, et de ce fait, je ne serais probablement pas devenu graphiste et encore moins designer...

Que faire maintenant pour que cette façon de vivre, ce système, ce choix puissent s’installer, et s’ancrer dans notre société Québécoise?

Explications du système scolaire Genevois
Le système éducatif suisse dans ses grandes lignes 
En 2006, les pouvoirs publics ont dépensé plus de 26 milliards de francs suisse pour l’éducation, soit 5,7% du PIB

samedi 9 juin 2012

Combustion lente


Une fois en place, cette toile a pris une toute autre vie que dans mon atelier. En fait, elle était prévue pour être à cette place. Il est rare que je fasse une "commande" et en plus dans un tout autre style. Vraiment hors série, hors démarche. Mais j'y ai trouvé un certain plaisir exploratoire. Je n'ai même pas peint au pinceau, mais à la truelle! Expérience complètement différente, et en grand format! Quel plaisir!

Pourtant, je me sens bien dans ma démarche picturale, d'autant plus qu'aujourd'hui je me permets quelque fois des écarts complets. De temps à autre j'essaie des choses, question de soulager la pression de ma démarche qui m'entraîne sur des voies plus complexes. Généralement ces écarts ne donnent rien. Alors je recycle. Mais quelque fois ça donne quelque chose que je peux en quelque sorte revendiquer, ou tout du moins, dont je n'aurai pas honte si cela était installé dans le salon de quelqu'un.

Un ami m'a même suggéré que ce type de toile ferait des heureux dans bien des maisons. Je lui ai répondu en boutade : dis-moi le format que tu veux et je te refais celle-là! Ha! Tout ce que je détestais entendre de certains galeristes commerciaux. Mais après tout, si quelqu'un en voulait une comme celle-là, cela me permettrait de réitérer l'expérience. Jusqu'à ce que je me lasse et alors je dirais tout simplement non, que je ne fais pas de commande.

"Combustion lente"
42" x 84". Acrylique sur toile. 2012
www.alec5.com

lundi 4 juin 2012

"Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur... (moi), sans jamais oser le demander!" ;-)

 Magazine Lambert

 

Alec Stephani fait tourner la roue

Par Suzanne Laliberté

La multiplication des activités créatives est le quotidien d’Alec Stephani. Cet artiste-peintre et designer de vélos est fasciné par les anciennes mécaniques et par les vieux bâtiments industriels. Un original, ce Lambertois ? C’est peu dire, il conçoit aussi des sous-marins et écrit des romans !




 

L’héritage familial

Originaire de Suisse, Alec Stephani vient d’une famille de créateurs. Sa mère était portraitiste et enseignante, et son art a fait vivre la petite famille après la mort du père. Ce dernier provenait d’une famille de médecins, et cette carrière lui avait été imposée. Cependant, le père d’Alec, ayant l’âme d’un ingénieur, a choisi la radiographie, une spécialité high-tech à l’époque. Il a commencé à modifier sa propre machine, mais les protocoles de sécurité en matière de radiations étaient presque inexistants ; il est décédé précocement. Les parents d’Alec lui ont donc légué deux héritages : l’amour de l’art et de la technologie. Il navigue avec facilité entre ces deux univers dont le fil conducteur est la créativité.

 

 L’arrivée

Alec se décrit comme un réfugié culturel ! Ayant étudié en graphisme, il travaillait déjà dans le domaine de la publicité en Suisse, avant son arrivée au Québec en 1988, à l’âge de 23 ans. Mais le système hiérarchique typique des vieux pays ne satisfaisait pas son effervescence créatrice. « Au Québec, si tu as une bonne idée, on t’aide, tandis qu’en Suisse, on ne t’aide que lorsque tu as réussi ». Alec avait déjà un emploi dans le secteur publicitaire à son arrivée au Québec, mais c’est surtout la musique qui a favorisé son intégration. Arrivé sans ses claviers, il s’est improvisé chanteur et a été recruté par un band avec lequel il a fait une soixantaine de concerts par année pendant 10 ans.

 

La sabbatique

Arrive alors la récession de 1990, et Alec se retrouve au chômage. Il décide de consacrer ce temps à créer. « Le petit Suisse en moi regardait ça de haut et se disait : “ Tu n’as pas le droit ”, mais j’avais besoin de cette sabbatique. Cet hiver-là, j’ai peint sans arrêt ! » Dans son appartement de l’époque, situé au deuxième étage, il y avait des peintures et des sculptures partout, ainsi que cinq motos en pièces détachées. « Je ne suis pas un gars de garage. Dans la mécanique, c’est le côté sculptural qui m’intéresse. Ma réflexion va au-delà de la technologie, elle s’articule par rapport à l’objet, à la beauté de la pièce.


Opus “Nuovella” collection Urbanista. Inspiré d’une ancienne Vespa 1958 et de la Dolce. Vita de Felini de 1960. 

 

La peinture

C’est à cette époque qu’est née la série de peintures intitulée Mécanique. En peinture, la démarche actuelle d’Alec se veut un travail de mémoire des objets, des architectures et des lieux, de leur valeur et de leur passage dans le temps. Elle est aussi un questionnement sur la conception de ces objets et architectures, l’esthétisme et la durabilité étant devenus des notions trop souvent obsolètes.

 

Les sous-marins

Cette même année, un ami étudiant à l’École de technologie supérieure (ETS), Éric Deschamps, lui propose de participer à un concours international de conception et de course de sous-marins à propulsion humaine. La deuxième version de leur sous-marin Omer a battu le record du monde de vitesse sous l’eau, et depuis (ils en sont à la neuvième version), l’équipe bat ses propres records, toutes catégories confondues. « Ils sont fous ces ingénieurs ! Avec ce projet, j’ai été propulsé dans un univers complètement différent. C’est avec eux que j’ai appris le design industriel. »

 

Les vélos

Après la sabbatique et l’expérience sous-marine, Alec réalise que le milieu de la publicité ne correspond plus à ses valeurs. Un ami le recrute alors pour refaire l’image graphique et le catalogue de l’entreprise OGC, un distributeur de vélos et d’accessoires de cyclisme. Il accepte le mandat sans grand enthousiasme. Mais grâce à l’expérience des sous-marins, les dirigeants de l’entreprise comprennent les capacités d’Alec en design industriel. On lui propose alors de développer une ligne d’accessoires de vélo. Ce projet, concret, correspond mieux au type de création qui l’interpelle. Puis, en 2001, OGC décide de créer ses propres vélos. En collaboration avec un collègue expert de ce sport, Alec crée les cinq premiers vélos de la réputée marque Opus. Depuis, 95 modèles ont été développés.
« C’est quoi, un bon vélo ? », questionne Alec. « Plus encore que la haute technologie, le design doit réveiller la sensation de plaisir. Comme lorsqu’on était enfant et que notre vélo était l’objet magique qu’on enfourchait pour partir à la découverte du quartier. » Le courant Slow Bike, originaire d’Angleterre, est une philosophie qui va en ce sens, explique Alec. « Au lieu de penser comme un automobiliste, le cycliste peut choisir d’autres voies, propices à l’observation de l’architecture et de la nature, comme un enfant préférera spontanément la ruelle à la circulation de la grande rue. »

 

L’écriture

Toutes ces réflexions amènent Alec à démarrer le blogue Urbanista*, qui présentait la gamme éponyme des vélos Opus via des articles et des entrevues, et il découvre alors le plaisir de l’écriture journalistique. Mais Alec avait déjà commencé à écrire des romans dès 1990. Il a commencé par une toute petite histoire de science-fiction devant faire 4 ou 5 pages, mais qui s’est terminée par 200 pages ! Suivent trois romans portant sur la sculpture (Métal), la peinture (Le pinceau d’ocre) et la musique (La dernière note). Bien sûr, Alec aimerait être publié. « Telle une peinture qui, lorsqu’elle est installée dans le salon particulier, prend une autre forme, l’écriture doit circuler et avoir sa vie propre », explique Alec. Comme son écriture est très visuelle, il songe aussi au cinéma. Bref, sa carrière d’écrivain est en devenir. « On verra… », dit Alec, philosophe.

 

Les performances

Récemment, Alec a commencé à tâter de la performance. « Le goût pour la performance vient d’une scène que j’avais écrite dans le roman La dernière note. Je voulais vivre moi aussi cette expérience. » Il planche présentement sur un projet d’improvisation mélangeant art visuel et électro-acoustique. « J’ai amené ma peinture dans le design, mais pour la première fois je l’intègre à la musique. »

 

L’avenir

Peinture, écriture, musique, design, mécanique, performance et sculpture… où cela le mènera-t-il ? « Mon parcours m’a maintes fois montré que ce qui semble être des directions professionnelles différentes est en fait une suite logique à ma véritable passion : créer ! » La carrière prometteuse de ce « Da Vinci lambertois » est donc à surveiller, car il est impossible de prédire dans quelle direction elle ira !

*Le blogue Urbanista a existé durant cinq ans. Il n’est plus en ligne.

www.alec5.com — www.alecart.blogspot.com

 
Opus “Cervin”, collection Urbanista. Inspiré d’une Jeep Saharienne de 1940 et de Indiana Jones.

Ses favoris
Film : Les ailes du désir, de Wim Wenders l’a profondément marqué.
Musique
 : Arvo Pärt, Fauré, Debussy et Borodine, Keith Jarret, Miles Davis, Dan Touin, Brand New Heavies, Zéro 7, Meshell Ndegeocello et Daft Punk.
Voyages
 : New York, San Francisco, Paris, Berlin, Venise.
Passe-temps
 : Créer, créer et créer !
Cause sociale
 : Le vélo comme mode de vie.
Restaurant
 : Bidon Taverne Culinaire, évidemment !