lundi 4 juin 2012

"Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur... (moi), sans jamais oser le demander!" ;-)

 Magazine Lambert

 

Alec Stephani fait tourner la roue

Par Suzanne Laliberté

La multiplication des activités créatives est le quotidien d’Alec Stephani. Cet artiste-peintre et designer de vélos est fasciné par les anciennes mécaniques et par les vieux bâtiments industriels. Un original, ce Lambertois ? C’est peu dire, il conçoit aussi des sous-marins et écrit des romans !




 

L’héritage familial

Originaire de Suisse, Alec Stephani vient d’une famille de créateurs. Sa mère était portraitiste et enseignante, et son art a fait vivre la petite famille après la mort du père. Ce dernier provenait d’une famille de médecins, et cette carrière lui avait été imposée. Cependant, le père d’Alec, ayant l’âme d’un ingénieur, a choisi la radiographie, une spécialité high-tech à l’époque. Il a commencé à modifier sa propre machine, mais les protocoles de sécurité en matière de radiations étaient presque inexistants ; il est décédé précocement. Les parents d’Alec lui ont donc légué deux héritages : l’amour de l’art et de la technologie. Il navigue avec facilité entre ces deux univers dont le fil conducteur est la créativité.

 

 L’arrivée

Alec se décrit comme un réfugié culturel ! Ayant étudié en graphisme, il travaillait déjà dans le domaine de la publicité en Suisse, avant son arrivée au Québec en 1988, à l’âge de 23 ans. Mais le système hiérarchique typique des vieux pays ne satisfaisait pas son effervescence créatrice. « Au Québec, si tu as une bonne idée, on t’aide, tandis qu’en Suisse, on ne t’aide que lorsque tu as réussi ». Alec avait déjà un emploi dans le secteur publicitaire à son arrivée au Québec, mais c’est surtout la musique qui a favorisé son intégration. Arrivé sans ses claviers, il s’est improvisé chanteur et a été recruté par un band avec lequel il a fait une soixantaine de concerts par année pendant 10 ans.

 

La sabbatique

Arrive alors la récession de 1990, et Alec se retrouve au chômage. Il décide de consacrer ce temps à créer. « Le petit Suisse en moi regardait ça de haut et se disait : “ Tu n’as pas le droit ”, mais j’avais besoin de cette sabbatique. Cet hiver-là, j’ai peint sans arrêt ! » Dans son appartement de l’époque, situé au deuxième étage, il y avait des peintures et des sculptures partout, ainsi que cinq motos en pièces détachées. « Je ne suis pas un gars de garage. Dans la mécanique, c’est le côté sculptural qui m’intéresse. Ma réflexion va au-delà de la technologie, elle s’articule par rapport à l’objet, à la beauté de la pièce.


Opus “Nuovella” collection Urbanista. Inspiré d’une ancienne Vespa 1958 et de la Dolce. Vita de Felini de 1960. 

 

La peinture

C’est à cette époque qu’est née la série de peintures intitulée Mécanique. En peinture, la démarche actuelle d’Alec se veut un travail de mémoire des objets, des architectures et des lieux, de leur valeur et de leur passage dans le temps. Elle est aussi un questionnement sur la conception de ces objets et architectures, l’esthétisme et la durabilité étant devenus des notions trop souvent obsolètes.

 

Les sous-marins

Cette même année, un ami étudiant à l’École de technologie supérieure (ETS), Éric Deschamps, lui propose de participer à un concours international de conception et de course de sous-marins à propulsion humaine. La deuxième version de leur sous-marin Omer a battu le record du monde de vitesse sous l’eau, et depuis (ils en sont à la neuvième version), l’équipe bat ses propres records, toutes catégories confondues. « Ils sont fous ces ingénieurs ! Avec ce projet, j’ai été propulsé dans un univers complètement différent. C’est avec eux que j’ai appris le design industriel. »

 

Les vélos

Après la sabbatique et l’expérience sous-marine, Alec réalise que le milieu de la publicité ne correspond plus à ses valeurs. Un ami le recrute alors pour refaire l’image graphique et le catalogue de l’entreprise OGC, un distributeur de vélos et d’accessoires de cyclisme. Il accepte le mandat sans grand enthousiasme. Mais grâce à l’expérience des sous-marins, les dirigeants de l’entreprise comprennent les capacités d’Alec en design industriel. On lui propose alors de développer une ligne d’accessoires de vélo. Ce projet, concret, correspond mieux au type de création qui l’interpelle. Puis, en 2001, OGC décide de créer ses propres vélos. En collaboration avec un collègue expert de ce sport, Alec crée les cinq premiers vélos de la réputée marque Opus. Depuis, 95 modèles ont été développés.
« C’est quoi, un bon vélo ? », questionne Alec. « Plus encore que la haute technologie, le design doit réveiller la sensation de plaisir. Comme lorsqu’on était enfant et que notre vélo était l’objet magique qu’on enfourchait pour partir à la découverte du quartier. » Le courant Slow Bike, originaire d’Angleterre, est une philosophie qui va en ce sens, explique Alec. « Au lieu de penser comme un automobiliste, le cycliste peut choisir d’autres voies, propices à l’observation de l’architecture et de la nature, comme un enfant préférera spontanément la ruelle à la circulation de la grande rue. »

 

L’écriture

Toutes ces réflexions amènent Alec à démarrer le blogue Urbanista*, qui présentait la gamme éponyme des vélos Opus via des articles et des entrevues, et il découvre alors le plaisir de l’écriture journalistique. Mais Alec avait déjà commencé à écrire des romans dès 1990. Il a commencé par une toute petite histoire de science-fiction devant faire 4 ou 5 pages, mais qui s’est terminée par 200 pages ! Suivent trois romans portant sur la sculpture (Métal), la peinture (Le pinceau d’ocre) et la musique (La dernière note). Bien sûr, Alec aimerait être publié. « Telle une peinture qui, lorsqu’elle est installée dans le salon particulier, prend une autre forme, l’écriture doit circuler et avoir sa vie propre », explique Alec. Comme son écriture est très visuelle, il songe aussi au cinéma. Bref, sa carrière d’écrivain est en devenir. « On verra… », dit Alec, philosophe.

 

Les performances

Récemment, Alec a commencé à tâter de la performance. « Le goût pour la performance vient d’une scène que j’avais écrite dans le roman La dernière note. Je voulais vivre moi aussi cette expérience. » Il planche présentement sur un projet d’improvisation mélangeant art visuel et électro-acoustique. « J’ai amené ma peinture dans le design, mais pour la première fois je l’intègre à la musique. »

 

L’avenir

Peinture, écriture, musique, design, mécanique, performance et sculpture… où cela le mènera-t-il ? « Mon parcours m’a maintes fois montré que ce qui semble être des directions professionnelles différentes est en fait une suite logique à ma véritable passion : créer ! » La carrière prometteuse de ce « Da Vinci lambertois » est donc à surveiller, car il est impossible de prédire dans quelle direction elle ira !

*Le blogue Urbanista a existé durant cinq ans. Il n’est plus en ligne.

www.alec5.com — www.alecart.blogspot.com

 
Opus “Cervin”, collection Urbanista. Inspiré d’une Jeep Saharienne de 1940 et de Indiana Jones.

Ses favoris
Film : Les ailes du désir, de Wim Wenders l’a profondément marqué.
Musique
 : Arvo Pärt, Fauré, Debussy et Borodine, Keith Jarret, Miles Davis, Dan Touin, Brand New Heavies, Zéro 7, Meshell Ndegeocello et Daft Punk.
Voyages
 : New York, San Francisco, Paris, Berlin, Venise.
Passe-temps
 : Créer, créer et créer !
Cause sociale
 : Le vélo comme mode de vie.
Restaurant
 : Bidon Taverne Culinaire, évidemment !

Aucun commentaire: