mercredi 12 mai 2010

Balades du BAC : Résonnances numériques

Montréal regorge d'activités culturelles, certaines très médiatisées, d'autres beaucoup plus "underground". Jusque-là, rien de très différent des grandes métropoles comme Berlin, Londres, New York et tant d'autres. Mais ce qui pourrait différencier Montréal de toutes ces grandes villes foisonnantes d'art et de culture, c'est le numérique.
Montréal est devenu sans conteste la capitale de l'imagerie numérique et du son électronique. "Capitale Mondiale" ont dit certains. Tant mieux!
Avec, entre autres, ses festivals Mutek (musique) et Elektra (audio-visuel), ses entreprises d'animation numérique pour le cinéma ou la télévision, ses créations de logiciels et de jeux vidéo, ses essaims de programmeurs d'applications pour iPod, iPhone et iPad, Montréal s'est placé à l'avant-scène de l'image et du son de synthèse.

À la dernière Balade du BAC (Bicycles, Art et Culture), Sylvie Laplante nous a emmenés à l'Usine C, l'un des hauts lieux de représentation du festival Elektra, onzième édition.
Arrivés dans cette ancienne usine restaurée en centre multi-artistique, dont on a conservé l'emblématique cheminée de briques rouges, nous sommes entrés dans la grande salle principale, sorte d'immense hangar de béton et d'acier plongé dans une relative noirceur cérémoniale, dominée par un non moins gigantesque écran blanc lumineux couvrant l'ensemble du quatrième mur.

Là nous attendait Blake Carrington (non, non, rien à voir avec Dynasty, heureusement!!) au séquenceur et analyseur vidéo-numérique. Dans un grondement synthétique profond, simulant les sonoritées de grandes orgues, une image radiographique et fantomatique d'un plan architectural d'une cathédrale gothique s'est progressivement affichée, structurée, déstructurée, tout en noir sur cet écran blanc envahissant. Le plan cathédrale se faisait balayer, analyser, scanner horizontalement, générant ainsi des sons et des fréquences, suivant le canevas même de son dessin. Plus les structures étaient massives, plus les sons se faisaient amples, graves et forts. Par variation de filtres et d'oscillation, Blake Carrington se servait de l'image évanescente pour générer un thème musical monocorde et pourtant polyphonique, fait d'infra-basses et de sur-aiguës, absolument hypnotisant.

C'est alors que tout le sacré d'une cathédrale, tout le mystique du gothique, tout le "magnificat" du numérique s'est imposé dans toute la salle de l'Usine C et certainement aussi dans les esprits des gens présents. On se serait cru dans une des scènes de 1984, lorsque le visage de Big Brother, démesurément projeté sur grand écran, illumine les nombreux regards éberlués et blafards de l'assistance. C'était véritablement envoûtant, épeurant et magnifique à la fois!

Suite à cette performance, il nous a été proposé plusieurs projections numériques des plus folles et captivantes. Je n'avais jamais vu de traitements numériques aussi avancés et créatifs, bien au-delà de ce qu'Hollywood peut générer en termes d'images de synthèse et d'effets spéciaux. Mais je laisse Sylvie Laflame, dans son article "Balades du BAC : ELEKTRA II" mieux nous expliquer la nature de ses projections et qui sont les artistes qui ont créé ses oeuvres.

Reprenant nos vélos, nous nous sommes laissé pour la soirée sur ses images impressionnantes dans tous les sens du terme.
La fin de soirée était plus que fraîche, mais après cette expérience audio-visuelle, je me suis senti comme un microprocesseur à qui on offre un vent de fraîcheur pour mieux fonctionner.
C'est alors qu'en pédalant sur le chemin du retour, je me suis aperçu que je ne regardais plus les choses de la même façon. Les couleurs, les formes, les sons, tout me semblait pouvoir maintenant s'intégrer numériquement à ce que je venais de voir et de vivre.

En m'engageant sur le pont Jacques Cartier, les ombres portées des milliers de barreaux du garde-fou, ainsi que les massives structures du pont sont devenues autant de séquences rythmiques visuelles et sonores, autant de fréquences et d'harmoniques composant une sorte de "loop" cadencé. On aurait pu filmer cette enfilade métallique à perte de vue tel une partition binaire et y faire correspondre des sons numériques engendrés par les intervalles lumineux que ces barres grises sur fond de nuit transmettaient. La fréquence et la couleur de l'éclairage au tungstène y étaient aussi pour quelque choses. Peut-être était-ce aussi dû à mon état de fatigue ce soir-là, au rythme régulier de pédalage sur ce long trajet de piste cyclable surplombant l'eau, a l'oxygénation et à la résonance de ce que venait de voir et d'entendre, mais cette traversée du fleuve fut littéralement... numérique!

- Photos : Alec
- Image du film 1984 (Nineteen Eighty-Four) film britannique réalisé par Michael Radford en 1984 d'après le roman de George Orwell (1948)
- Image de Inject v.02 de
Herman Kolgen, présenté au Festival Elektra II, image tirée du site de l'artiste.

Pour en savoir plus sur les Balades du BAC :
www.opusurbanista.blogspot.com

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