
Je viens de revoir une entrevue de Boris Cyrulnik, auteur de "De chair et d'âme", faite par la télévision de Radio-Canada.
Ce neuropsychiatre prêtant que le bonheur serait en grande partie biochimique, et qu'il est possible d'en contrôler du moins une partie, en sécrétant le plus de sérotonine possible! Comment? En étant heureux! Ok, ok, c'est un cercle vicieux, ou vertueux. Il est probablement difficile d'atteindre ce bonheur comme cela, en claquant des doigts. Toutefois, Cyrulnik, dans cette entrevue, faisait la convaincante démonstration que les relations sociales, l'apport culturel, sensoriel, sont des facteurs susceptibles de nous faire sécréter cette fameuse sérotonine, substance qui facilite la conduction synaptique, c'est-à-dire la "conversation" de nos neurones. Bref, le bien-être de notre cerveau, de nos idées et donc, de notre corps.
Cela rejoint, quelque part, mon questionnement à savoir si le fait de créer libérait des substances dans notre corps (
La nécessité de peindre, 30 juillet 07). Je parlais d'endorphine. Finalement il semble que la sérotonine est la substance concernée. Cela expliquerait aussi cet état d'éveil et d'apesanteur lorsque l'on crée.
Suis-je alors un accro de la sérotonine? Mon mal de ventre, mon impatience lorsque je n'ai pas créé depuis quelque temps, serait en fait un véritable état de manque?
Et alors, LA question : Suis-je malheureux lorsque je ne crée pas?
Pas aussi heureux que lorsque je crée, mais de là à me dire "malheureux"? Non! Je ne me considère pas du tout comme un artiste tourmenté, loin de là!
Et alors, L'AUTRE question : Doit-on être malheureux pour pouvoir créer des choses remarquables? À voir la majorité des artistes, on serait porté à le supposer. Mais je ne le crois pas du tout. Bien sûr, pour beaucoup, le bonheur n'a pas d'histoire. Pour preuve, les nouvelles journalistiques : un chapelet de malheurs.
Pourtant, il y a bien des artistes qui ont plané sur une sorte de bonheur relatif : Riopel, Pelland, pour ne citer que deux artistes d'ici. Pour certains, le bonheur n'a pas de profondeur. Il n'a au moins pas d'abysse sans fond.
On m'a déjà fait remarquer que ma peinture était sombre et troublée, voire troublante. Peut-être. Mais je ne me sens pas sombre et troublé en la créant. Le noir est, dans notre société, associé à la mort. Ce n'est qu'une convention chromatique, comme toutes les associations couleur-humeur.
Le noir, pour moi, c'est la profondeur, l'insondable, l'espace suggestif.
Entrevue télé de Boris Cyrulnik (Radio-Canada)Entrevue radio de Boris Cyrulnik (Radio-Canada)