Le tour acrylique sur toile - 2010 - 36" x 24" (91,4 cm x 61,0 cm) série "Usines" www.alec5.com |
Le tour, c'est la machine poussiéreuse et muette au fond de l'atelier plongé dans la pénombre. C'est la résonance de la masse d'acier désormais inerte qui pourtant témoigne de son époque. Elle dort d'un sommeil dont elle ne se réveillera jamais. Tombée en désuétude, elle capte le regard par sa forme complexe et incompréhensible pour le néophyte. Il suffirait qu'on la branche à nouveau, au risque de faire forcer les rouages internes, grippés par l'oubli. Elle rugirait alors de toute sa force tranquille, impassible et pourtant si puissante. Mais pas le moindre ampère ne circulera dans ses entrailles de filage de cuivre, de poulies et de pignons dentelés. Son arbre rotatif est figé à jamais. Ce tour n'usinera plus aucune pièce mécanique.
Pour ceux qui ont déjà utilisé un tour, soit pour façonner une pièce de métal, soit de bois, n'avez-vous jamais été envoûté par la transformation de la matière en rotation? Créer une pièce au tour est une expérience de puissance et de finesse tout à la fois.
Aujourd'hui les tours sont numériques. On entre des coordonnées dans un ordinateur, ou plus simplement encore, on transfert un fichier CAD et hop, ça part tout seul. À l'intérieur d'une chambre vitrée, une tête fraise en six axes la pièce à fabriquer, noyée dans un jet d'eau et d'huile. Bref, on regarde. On ne touche pas! On ne vit plus le rapport de force avec la matière. Gruger dans le métal ou le bois à l'aide de divers couteaux et burins est une sensation unique.
Oui, ça prenait plus de temps, oui c'était peut-être moins précis, quoique certains tourneurs étaient de véritables orfèvres, et oui c'était plus dangereux... Mais à vivre sans danger, on vit sans saveur.