Merlin Germain-Demers
merlin200@hotmail.com
Cégep Saint-Laurent, Montréal
Travail présenté à M. André H. Martin
Décembre 2009
Alec
Je ne m’attendais pas à grand-chose lorsque j’ai entamé ma recherche d’un artiste contemporain montréalais en tapant ces mots dans le moteur de recherche de mon ordinateur. C’est sur un registre d'artistes peintres de Montréal que le deuxième site d’artiste m’a intrigué. L’artiste avait plusieurs séries de peintures qui me parlaient. Les séries visibles sur son site sont nommées : Surfaces, Structures, Mécaniques, Formes noires et Usines. D’autres onglets figurent également à son site où on y trouve une démarche diversifiée.
J’ai donc contacté Alec par courriel pour une entrevue et c’est un lundi soir, chez Baptiste, que j’ai rencontré le créatif en question. Avec les informations que j’avais obtenues sur lui par son site, je me doutais que nous avions des centres d’intérêts en commun. J’ai donc commencé par lui parler un peu de moi : travail dans le domaine du vélo, mon groupe de musique, la peinture… Je ne fus pas surpris d’apprendre par la suite qu’il était également musicien.
« J’ai fait de la musique dans les clubs et les festivals pendant longtemps. J’ai arrêté il y a quatre ans pour me consacrer uniquement à la peinture. La musique c’est épuisant. Et puis ça n'a jamais vraiment décollé. Donc c’est beau d’être patient et persévérant, mais à un moment donné… J'ai des chums qui se sont cassé la gueule en continuant. Alors, avant de m’épuiser, j’ai arrêté là. »
Il avait commencé comme claviériste, puis avait fait les back vocals, et enfin, il ne s'est présenté sur scène qu’avec un micro. Son domaine était le jazz, le blues, le rythm'n blues et le funk. « Fallait que ça groove ».
Alec me confia avoir réalisé à l'époque une première série de toiles inédites qu’il a ensuite détruites.
« Ma première série, en 89, fut très longue et intensive. Comme elle faisait suite à une rupture, c’était très violent et j’ai finalement tout détruit. Je peignais sur des grands panneaux de Masonite, c’était très lourd et je pouvais pas vraiment les traîner. Alors ce n’était pas très pratique. Après, cela s’est apaisé avec la série des Surfaces ».
Après les séries Surfaces, Structures et Mécaniques, peintes entre 90 et 91, ce sont les Formes noires et Usines, de 2004 à aujourd'hui, qui représentent le résultat d’une démarche définie par l’artiste comme l’émanation mnémonique spontanée.
L’émanation mnémonique spontanée, c’est la reproduction instinctive de la sensation d’un lieu et d’une époque.
« Décris-moi en quelques taches un lieu où tu es allé dans ton enfance. La structure de l’image ne peux pas être claire, mais ton souvenir l’est. »
Les ambiances ainsi produites par l’artiste dans ses toiles appartiennent à l’époque du début de l’industrialisation. Ce sont des souvenirs sur trois générations dans lesquels il pige, en faisant ressurgir des impressions de choses qu’on lui a racontées. Des objets appartenant à cette époque, des lieux qu’il a vus, des sensations qu’il a éprouvées. Il m’a raconté une anecdote concernant son exposition à la Tohu où un vieil homme lui a dit : « Tu as exactement peint ce qu’on vivait, ce qu’on respirait, ce qu’on ressentait à cette époque-là », en parlant de l’industrialisation et de l’ambiance poussiéreuse du début du siècle.
Ce qu’il veut représenter, c’est le dur labeur de cette époque, mais où il y avait malgré tout un souci du travail bien fait, où les objets étaient fait de matériaux solides pour durer avec la petite touche de poésie dans l’ornement sur une fournaise de fonte, par exemple, l’implication des gens, la touche humaine présente dans une époque difficile. Tout cela est en contraste avec la société de consommation actuelle où le « fait à la main » est une marque de prestige, où l’on vit de plus en plus rapidement et que les objets ont une durée de vie de plus en plus courte. Mais pourquoi porter cette importance aux objets? Peut-être parce que l’artiste, en mettant autant d’implication dans le processus de création d’une œuvre, qui est avant tout un objet, est plus sensible aux objets qui l’entourent.
Alec démontrait une réelle fascination en me décrivant la plaque ornementale d’une grosse machine ou de simples poulies, « comme elles étaient belles ces poulies ». Un ouvrier a dû couler du métal dans un moule pour les produire et tant qu’à faire ça, quelqu'un d’autre a dû s’assurer de l’esthétique du moule même si les seuls à voir ces poulies étaient les employés de l’usine. Les beaux objets, tout comme les œuvres d’arts, apportent une certaine fierté.
De plus, Alec aurait également une petite série de toiles inédites exposées chez lui. Une fois, il a eu le malheur de la montrer à une galerie qui avait sélectionné toutes ses séries. Puis elle ne voulu que cette petite série de dix toiles.
« Je n’ai jamais trouvé le moyen de continuer cette série-là. C’était la succession logique aux mécaniques. En fait, je peux te le dire, c’était des corps humains, la seule fois que j’ai fait des corps humains. »
Designer pour la compagnie de vélo Opus, Alec travaille depuis quatre ans à mettre des extraits de ses toiles sur une ligne de cadres de vélo. Le résultat en était concluant. Alors, toujours dans l’optique d’allier ses passions, à la fin de l’été, il a commencé un projet qui consiste à s’exprimer librement en peinture directement sur des cadres de vélos de fibre de carbone : Artbike (un jeu de mot avec « Arbeith », en Allemand pour le travail : progression de l’œuvre artistique).
Ce nouveau médium motive beaucoup l’artiste et est une habile avancée de l’art dans un milieu qui lui est étranger. D’autant plus que les cadres passeront par un atelier spécialisé afin que le fini respecte les standards de qualité, ce qui fait de chacune de ces pièces uniques, un vélo qui pourra être assemblé puis utilisé.
Les oeuvres sur les cadres reprennent les formes abstraites de la série Formes noires, mais Alec n’exclut pas la possibilité de petites incartades dans d’autres styles, ce qui semble inévitable vu la différence de forme entre une toile et un cadre de vélo.
En regardant le cadre devant la toile, je remarque que les couleurs sont reprises, la forme des motifs également, mais les motifs sont plus petits sur le cadre. Sûrement parce que celui-ci offre une surface plus étroite. Le contraste entre la forme du cadre, dont chaque angle a été calculé, et les formes noires qui sont plutôt instinctives est subtil, puisqu’un cadre de carbone a une structure lisse et travaillée. Ce nouveau médium offre une surface en trois dimensions donc, il y a toujours des surfaces que l’on ne peut pas voir simultanément.
Heureusement, Alec cherche à faire exposer ces cadres bientôt à Montréal, Toronto et Vancouver. Donc nous pourrons aller les contempler sous tous les angles.
Enfin, Alec est un artiste moderne qui a su s’adapter à la société actuelle en mélangeant le design avec la peinture pour créer des œuvres excitantes à réaliser et qui trouveront leurs places dans des expositions ainsi que dans des magasins de vélo (sur commande du moins). On voit dans le travail de peinture d’Alec un souci d’exprimer quelque chose de plus que l’esthétisme. Avec la démarche d’émanation mnémonique spontanée, avec lequel il parvient à tirer de ses origines européennes, souvenir des guerres et de sa famille artistique, des impressions dont sont imprégnées les ambiances de ses toiles souvent à la limite du figuratif et de l’abstrait.
Ses romans et ses design de pochettes d’album touchent à sa passion pour la musique et la photo.
Bref, Alec semble avoir fait bon usage de sa créativité pour allier ses champs d’intérêt et son travail est fait de manière consciencieuse. Son intégrité par rapport à son travail de peinture est également un aspect de cet artiste qui est fort et qui fera de son œuvre quelque chose qui devrait traverser le temps à titre représentatif de l’artiste dans notre société actuelle.
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